Le 3 février 2022, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture avec modifications, la proposition de loi concernant l’encadrement progressif de l’utilisation des additifs nitrés dans les produits alimentaires et particulièrement les charcuteries.
Qu’est ce que les nitrites?
A quoi cela sert-il?
Pourquoi veut-on les éliminer des produits alimentaires?
De nombreuses questions auxquelles nous allons essayer de répondre.
Origine et fonctionnement
Les techniques de conservation de la viande (cuisson, séchage, fumage ou encore salaison) sont anciennes. Ainsi il y a 5000 ans, la viande était conservée dans du Salpêtre, aussi appelé Nitrate. Dans un environnement chimique propice, le Nitrate (NO3-) est réduit en Nitrite (NO2-), composé qui permet effectivement une meilleure conservation de la viande en diminuant l’oxydation des lipides, en empêchant le développement de bactéries pathogènes telles que Clostridium botulinum, responsable d’affection neurologique. Ces Nitrites sont également à l’origine de la belle couleur rosée du jambon ou encore de cet arôme saumuré de certaines charcuteries. Ils sont donc aujourd’hui ajoutés comme additif sous forme de sels de nitrites (E249 à E252). Pourtant, ces nitrites peuvent se transformer à leur tour en un groupe de composés appelés Nitrosamines dont certains sont cancérigènes.
Effectivement, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe les nitrates et nitrites ingérés en catégorie « 2A – probablement cancérogènes chez l’homme » sur la base de leur transformation possible au cours de la digestion en composés cancérigènes néoformés.
Ainsi les Doses Journalières Admissibles (DJA) de Nitrites et de Nitrates fixées par les experts de l’European Food Safety Authority (EFSA) sont respectivement de 0,07 et 3,7mg par kg de poids corporel et par jour ; et l’utilisation d’additif nitrités est donc réglementée en Europe (150mg nitrites par kg de charcuterie) (1).
En France, une étude Individuelle Nationale sur les Consommations Alimentaires adultes (INCA 2) montre que les adultes consomment en moyenne 36g de charcuteries par jour (2) : valeur bien inférieure aux 50g de référence prise en compte par le CIRC pour ses études (3).
Les nitrites, aux rôles technologique et organoleptique importants mais également précurseurs de composés cancérigènes sont depuis de nombreuses années sous les projecteurs. Une réduction de leur utilisation est déjà amorcée chez de nombreux industriels de la filière charcutière en prenant en compte l’acceptabilité consommateur : ainsi voyez-vous déjà dans les rayons des articles de jambons “25% de sel en moins”.
La proposition de loi vise à surveiller et encadrer l’utilisation de ces sels de nitrite pour les éliminer d’ici janvier 2025 et ainsi laisser le temps à la filière viande de trouver des solutions adéquates à la suppression de ces additifs.
Pour la suite, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et du travail (Anses) doit éditer d’ici avril 2022 un rapport sur les risques sanitaires dus à l’ingestion d’additifs nitrés dans la charcuterie pour étayer le débat sur cette loi. D’ici un an, un décret fixera une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrés ainsi que les modalités de mise en place d’un étiquetage spécifique pour les produits alimentaires contenant des nitrites.
(2) https://www.anses.fr/fr/system/files/PASER-Ra-INCA2.pdf
(3) Ingested Nitrate and Nitrite, and Cyanobacterial Peptide Toxins IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans Volume 94, 2010.